Ce modèle a été développé conjointement par Guillaume Déziel, Mathieu-Gilles Lanciault et Virginie Berger aux fins de participer à Rethink Music.
Tout le monde connaît le contrat 360º; ce contrat apparu il y a quelque années visant à permettre aux maisons de disques d’exploiter toutes les sphères de l’artiste afin de générer plus de revenus. En fait, la vraie raison de l’apparition d’un tel contrat était de pallier aux pertes liées à la chute de 58,4% des ventes de disques depuis l’an 2000. Telle une banque, la compagnie de disque «Major» qui signe un artiste en contrat 360º prend en garantie tous les droits de l’artiste, les exploite, génère des revenus et le partage avec l’artiste (au-delà du remboursement des dépenses de production et de mise en marché).
Et si le contrat 360º était renversé au profit de l’artiste?
Voilà que la technologie permet à l’artiste d’enregistrer son album, de le distribuer partout dans le monde, de le faire valoir, etc… Il reste que l’artiste a besoin d’aide afin de pouvoir faire tout cela, tout en continuant à créer et interpréter son art. Le type d’aide nécessite une ouverture face aux réseaux sociaux, une compréhension du Web, de l’interactivité entre les humains… Une compréhension du droit d’auteur et du commerce. Bonne nouvelle; toutes ces belles ressources se retrouvent partout autour de l’artiste. Colocataires, amis étudiants en droit, en marketing, fans passionnés de premier ordre toujours présents. Même si ces ressources naturelles qui vous entourent ne sont pas toujours expérimentées, il reste qu’elles ont l’avantage – en cette époque industrielle transitoire – de ne pas être «formatées», d’être libre de réinventer à tous les jours les vieilles manières de faire les choses… Et c’est souvent «la passion pour la musique de l’artiste» qui est la première des qualités à avoir pour faire avancer réellement une carrière.
L’image artistique (Band Brand) est une valeur perceptive qui se monnaye. L’utilisation de la gratuité de la musique comme produit d’appel est à ce jour la manière la plus efficace et la moins coûteuse pour d’abord connecter un artiste à ses fans, ensuite entretenir une conversation avec eux et leur donner envie de consommer les produits dérivés de son image, de sa musique (spectacles, accès, privilèges vêtements, accessoires, droits d’exploitation dans une pub, dans un film, etc.)
Si tous les membres d’un équipe entourant un artiste contribuent, au même titre que lui-même, à ajouter de la valeur à son art, tous ont aussi logiquement droit à leur juste part des revenus globaux. Chaque maillon de la chaîne création-production-commercialisation donne de la valeur au «Branding de l’artiste» et devrait d’en tirer profit. Le partage des revenus liés à l’artiste doit donc être équitable, préalablement convenu et clairement identifié dans une charte.
Artistes : voici le contrat 063
Telle une société par actions, le type de structure 360º inversé (ou affectueusement nommé le «zéro-six-trois») permet à d’autres qui croient suffisamment en vous, l’artiste, d’investir sur votre talent. Donnez-leur des parts sur le fruit de l’exploitation de votre «Branding d’artiste» au prorata de leur implication, que ce soit par l’entremise d’un investissement en capital ou en ressources humaines. Conservez votre pouvoir décisionnel sur l’artistique. Conservez vos droits et la propriété de vos bandes maîtresses; mais partagez-en les profits d’exploitation. Entourez-vous de professionnels de soutien; formez un conseil d’administration; conservez cependant toujours un droit de veto sur les décisions d’ordre artistique. Émettez des actions votantes et non votantes, pour mieux baliser le pouvoir décisionnel.
Un succès en attire un autre
Lorsque vous aurez trouvé la voie du succès en tant qu’artiste, vous aurez l’occasion de partager votre notoriété, votre bagage de connaissances et votre argent en investissant sur un artiste en lequel vous croyez. Vous aurez envie à la fois d’encourager l’artiste émergeant qui vous passionne et de l’entourer (sur mesure) des meilleurs professionnels pour le mener à bon port. Après avoir été créateur en début de carrière, vous et votre entreprise deviendrez une banque d’investissement à votre tour.
L’industrie devra s’ajuster
Les subventionneurs qui, d’ordinaires, stimulent économiquement les artistes à créer et les producteurs à produire, pourront aussi mettre des fonds à disposition de divers professionnels qui entourent l’artiste. Ainsi, vous pourriez voir une relationniste de presse ou un tourneur faire une demande de subvention pour se permettre d’investir du temps sur votre carrière et, du même coup, acquérir quelques actions de votre carrière. Plutôt que de financer uniquement l’initiative de création et de production, l’initiative de commercialisation serait aussi encouragée, au grand bonheur de l’artiste et son équipe. Chaque personne pourra donc contribuer à votre carrière en investissant, son expertise, son temps ou son argent. De cette manière, seules les personnes réellement passionnées par votre carrière tireront profit de votre développement.
Le meilleur du 360º, sans les inconvénients
Voilà un modèle qui porte tous les avantages d’un contrat 360º au profit de l’artiste et des gens qui travaillent conjointement et collectivement à son succès. Inutile de vous dire que le tablettage ne risque pas de vous arriver, dans une telle situation. Dans la mesure où vous travaillez avec une équipe d’exploitation qui vous respecte; dans la mesure où vous respectez vos fans et leurs habitudes de consommation, alors vous trouverez facilement la voie vers le succès et profit.
L’article Creative Commons 101 par Guillaume Déziel est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons «Paternité – Pas d’utilisation commerciale – Partage des conditions initiales à l’identique 3.0 Unported. Les autorisations au-delà du champ de cette licence peuvent être obtenues au www.guillaumedeziel.com/contact/.
Voilà un joli résumé de la réalité actuelle. Excellent! Cependant, j’ai bien hâte de voir l’impact qu’aura la position de force de Sony (achat d’EMI) dans le marché européen en particulier. Des barrières au 063? À voir!
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Je parlais d’Universal bien entendu… 😉
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Merci guillaume pour cet article !! Est-ce que ce modèle a déjà été testé ?
La société par action est la seule structure permettant cela?
Et puis j’ai du mal a comprendre comment on va pouvoir faire le partage des gains… en fonction du pourcentage de la somme investie + un pourcentage bonus lié au temps d’aide? Et si les retours sur investissements sont insuffisants et qu’il y a beaucoup de professionnels qui donnent de leur temps mais pas d’argent ?
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Bonjour,
Ce contrat a t il déjà été testé aujourd’hui ? Si non, quels sont les freins rencontrés ?
Merci,
Florent
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Oui, cela a déjà été testé. Notamment dans le cas de Misteur Valaire. Il faut aussi s’intéresser au cas de Imogene Heap. Peut-être un peu en dehors du sujet, mais très intéressant à explorer, particulièrement sur la méthode de partage des revenus.
Les freins? Les subventions. L’industrie de la musique (au Canada, du moins) est bâtie telle que les subventions vont aux producteurs qui doivent signer plusieurs artistes pour y avoir accès; elles ne vont pas aux directement aux artistes. Ces derniers, pour avoir accès à cet argent, doivent souvent laisser aller une partie de leurs droits (enregistrement sonore, éditions).
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Salut à tous. En relisant cet article qui, ma foi, se voulait un peu utopiste en théorie, je me rends compte qu’en pratique, aujourd’hui, la Blockchain et la «tokenisation des droits» permettrait aux créateurs de conserver tous leurs droits et de mandater des tiers pour exploiter ces droits. Ce qui change la donne, c’est que la blockchain permet de créer des «Smart Contracts» qui sont en quelques sortes des «Robocops administratifs» incorruptibles et immuables, chose qui permettrait maintenant aux créateurs de conserver les droits et d’assurer (sans friction, ni réel effort) une administration saine et efficace des partages de revenus. L’avenir est plus proche qu’avant, comme disait «Vincent Vallières». 😉
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