Lumière sur le phénomène des « hubs créatifs »

Pour mieux comprendre les écosystèmes de la créativité en entreprises et dans le milieu des arts

Rapport d’étude préparé par Marie-Odile Duchesneau et Guillaume Déziel

Ce rapport a été fait avec la participation financière de Téléfilm Canada. Les auteurs tiennent à remercier ce bailleur de fonds.

Version rendue publique le 4 mars 2019


Table des matières


Sommaire

Contexte et objectifs de recherches

Déployée en septembre 2017, la politique pour un Canada Créatif par la précédente ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly, vise à soutenir les industries créatives à l’ère des environnements numériques. Parmi ces initiatives, l’une consiste à investir dans les espaces culturels dédiés aux « artistes, entrepreneurs culturels et organismes » propices au développement et à la collaboration (source : point 1.4 du Cadre stratégique). Selon cette  politique, un tel lieu porte le nom de hubs créatifs et a pour vocation de favoriser le développement des compétences entrepreneuriales, la création, la collaboration et l’innovation.

À cet effet, les auteurs ont eu le désir d’investiguer sur ce qu’est un hub créatif en vue de saisir leur potentiel impact positif sur l’industrie et les éventuelles opportunités stratégiques.

Approche

Sachant que dans l’univers des hubs créatifs, les paradigmes apparents touchent la collaboration et l’intelligence collective, l’approche retenue pour mener à bien cette recherche s’est ouverte sur un mode itératif / collaboratif. Ainsi, les auteurs ont décidé d’ouvrir, dès ses tout débuts, cette étude à la communauté, et ce afin de permettre à ses auteurs d’interagir avec le milieu, d’enrichir le processus de recherche de manière participative et d’accélérer le partage de connaissances. Dans cet optique, un groupe Facebook «hub Créatifs / Creative hubs (Recherche Collaborative Research)» a été mis sur pied permettant aux intervenants du milieu de l’audiovisuel et de la créativité d’interagir durant le processus de recherche. Conscients que le processus de recensement des hubs créatifs, leur catégorisation et l’analyse de leurs pratiques est le fruit d’un travail continu en constante évolution, les auteurs ont en outre décidé de rendre ce document disponible au public sous une licence Creative Commons de type [CC] BY-SA. L’intention est de permettre à la collectivité d’enrichir les réflexions et propositions de ce « rapport d’étude » en l’autorisant à se l’approprier et le modifier.  

Notion théoriques et cadre conceptuel

Cette section illustre le hub créatif en son concept, inspiré de la théorie, en vue d’édifier les bases d’un langage commun et dont les implications qui en émanent attisent la réflexion sur le phénomène. Pour se faire, cette section présente en premier lieu une définition « holistique » du hub créatif, édifiée de manière collective et itérative avec les intervenants du milieu. En second lieu, les notions théoriques, telles que celles se rapportant à la créativité, l’innovation et les processus innovants, permettent d’établir une typologie des hubs créatifs en fonction de leur nature passive et active. À cet égard, les auteurs insistent particulièrement sur l’impact positif du hub actif, dû au rôle proactif et sélectif qu’il joue dans le développement des projets et produits qu’il abrite.  En troisième lieu, les notions théoriques se rapportant aux intrants/extrants et leur valeur tangible intangible, permettent d’entrevoir la dynamique particulière du hub créatif, soit son effet synergique. Selon les auteurs, le hub créatif incarne une structure permettant de produire des « extrants » dont la valeur marchande capitalise autant sur les valeurs tangibles qu’intangibles des « intrants ». Cette section clôt ainsi sur la valeur ajoutée du hub créatif à travers la notion de mutualisation de valeur.

Méthodologie et échantillonnage

Pour comprendre le phénomène dans sa réalité concrète, les auteurs ont dans un premier temps recensé une liste d’une centaine d’organisations considérées appartenir aux écosystèmes des hubs créatifs à Montréal, au Québec et ailleurs dans le monde. En parallèle, s’est exécutée une recherche de terrain exploratoire sondant le point de vue des intervenants du milieu par des entrevues et questionnaires qualitatifs. Ces témoignages ont par la suite inspiré une méthode de classification à partir de laquelle une banque de données a été constituée. Au total, 55 organisations de la liste élaborée au départ ont été classifiées dans la banque de données. Ces dernières incarnent un échantillon, qui bien que non exhaustif, dresse un portrait sommaire de différents hubs créatifs inspirants à travers le Canada, avec une emphase sur les acteurs du Québec et un regard général sur quelques joueurs inspirants à l’International. Sur les 55 entités, 62% proviennent de la grande région de Montréal, 24% se situent à l’échelle provinciale québécoise et 16% se situent à l’échelle nationale et internationale. À des fins de visualisation, les entités figurant dans la banque de données sont présentées sous forme de carte interactive.

Analyse

L’étude de similarités parmi les catégories de classement de la banque de données dévoilent certaines tendances. D’une part, il est observé que les organisations se décrivent par une combinaison de parties prenantes. D’autre part, il est observé que différentes combinaisons de parties prenantes mettent en lumière des écosystèmes qui se distinguent selon la nature de la vocation poursuivie. Trois écosystèmes de hubs créatifs actifs ont ainsi été identifiés, soit :

  1. les hubs à vocation commerciale;
  2. les hubs à vocation sociale;
  3. les hubs à vocation artistique et culturelle.

Constats

Quoi retenir des écosystèmes des hubs créatifs?

Selon les auteurs, la caractéristique d’un hub créatif est qu’il se manifeste autant dans la production du bien/service que dans son écosystème. À cet effet, les auteurs suggèrent qu’un écosystème créatif se situe à la jonction des sphères commerciales, sociales et artistiques. C’est à cette jonction qu’une idée peut inspirer d’autres idées et ce, en sortant de son écosystème régulier, donnant collectivement lieu à la création de nouvelles activités créatives et inattendues.

En quoi ces environnements présentent des opportunités et bénéfices économiques?

Selon les auteurs, le phénomène du hub créatif donne lieu à l’internalisation des externalités positives, au bénéfice de l’ensemble des parties prenantes du hub. Comme mentionné, cette dernière se traduit par la production de produits tangibles provenant de l’intégration d’intrants autant tangibles qu’intangibles. Autrement dit, le hub créatif capitalise sur le potentiel de valeur marchande des intrants intangibles, qui de prime abord, ne semblent pas rentables en soi. Par, exemple, un même contenu culturel, dont le potentiel de traction dans le marché n’est pas encore exploité, peut devenir, dans un hub créatif, un moyen valorisant autre chose ou être intrinsèquement rehaussé par son association avec autre chose. Ce contenu culturel peut ainsi devenir une valeur ajoutée pour un secteur industriel ayant une très grande traction dans le marché.

Recommandations

De manière générale, nos recommandations suggèrent comment les bailleurs de fonds peuvent considérer et intégrer les hubs créatifs dans leurs activités de financement de la culture. À cet effet, la proposition des auteurs consiste principalement à la création d’une politique incitative non-restrictive.

En rendant admissibles toutes dépenses relatives à l’octroi d’un hub créatif actif au sein d’un projet faisant l’objet d’une demande, les bailleurs de fonds provoqueraient ainsi la mise en place de conditions favorables à l’innovation, à l’approche entrepreneuriale, au financement complémentaire privé et philanthropique et au réseautage d’exportation. Telle situation permettrait un maillage de forces entourant un projet de création, de production ou de commercialisation des contenus.

Conclusion

Cette recherche permet de comprendre que la notion de hub créatif est vaste et en constante mutation. Bien que clairement un vecteur d’innovation, le hub créatif demeure un concept poreux. Nous comprenons à la lumière de cette recherche que la qualité de l’innovation dépendra toujours de la qualité de la liberté dans laquelle elle prendra forme. Or, dans un contexte de financement public, l’acte même de tenter de le catégoriser, de le délimiter et de le baliser serait en soi de créer des conditions freinant l’innovation.

Cette recherche nous aura aussi permis d’apprendre que le propre du hub est d’offrir un espace de valorisation ; de comprendre que, peu importe la valeur individuelle de ses « intrants », tangible ou intangible, le hub créatif proposerait invariablement à sa sortie un « extrant » dont la valeur est supérieure à celle de la somme de ses intrants.


Mise à disposition

Les auteurs de ce rapport sont conscients que le processus de recensement des hubs créatifs, leur catégorisation et l’analyse de leurs pratiques est un travail continu. Au moment où vous lirez les lignes de ce rapport d’étude, de nouveaux joueurs et nouvelles pratiques auront inévitablement vu le jour.

Voilà pourquoi les auteurs de ce rapport d’étude (ci-après collectivement nommées «l’Offrant») ont choisi – d’un commun accord – de rendre ce document disponible au public sous une licence Creative Commons de type [CC] BY-SA.

Les auteurs souhaitent de cette manière permettre à la collectivité de s’approprier ce « rapport d’étude » (ci-après nommé « Œuvre ») ; d’en citer son contenu ; de le reproduire à des fins de partage, d’accessibilité et de rayonnement ; de l’adapter ; le remixer ; le traduire dans d’autres langues.

Ainsi, la collectivité pourra au besoin poursuivre ce travail et lui conférer une durabilité, au fil du temps.

Vous êtes donc autorisé à :

  • Partager — copier, distribuer et communiquer l’Œuvre par tous moyens et sous tous formats.
  • Adapter — remixer, transformer et créer à partir du matériel de l’Œuvre pour toute utilisation, y compris commerciale.

L’Offrant ne peut retirer ces autorisations concédées par la licence tant que vous appliquez et respectez les termes de cette licence.

Selon les conditions suivantes :

  • Attribution — Vous devez créditer l’Œuvre (voir note de «titularité» plus bas), intégrer un lien vers la licence et indiquer si des modifications ont été effectuées à l’Œuvre. Vous devez indiquer ces informations par tous les moyens raisonnables, sans toutefois suggérer que l’Offrant vous soutient ou soutient la façon dont vous avez utilisé son Œuvre.
  • Partage dans les Mêmes Conditions — Dans le cas où vous effectuez un remix, que vous transformez, ou créez à partir du matériel composant l’Œuvre originale, vous devez diffuser l’Œuvre modifiée dans les même conditions, c’est à dire avec la même licence avec laquelle l’Œuvre originale a été diffusée.
  • Pas de restrictions complémentaires — Vous n’êtes pas autorisé à appliquer des conditions légales ou des mesures techniques qui restreindraient légalement autrui à utiliser l’Œuvre dans les conditions décrites par la licence.

Notes :

  • Vous n’êtes pas dans l’obligation de respecter la licence pour les éléments ou matériel appartenant au domaine public ou dans le cas où l’utilisation que vous souhaitez faire est couverte par une exception.
  • Aucune garantie n’est donnée. Il se peut que la licence ne vous donne pas toutes les permissions nécessaires pour votre utilisation. Par exemple, certains droits comme les droits moraux, le droit des données personnelles et le droit à l’image sont susceptibles de limiter votre utilisation.

Titularité :

Toute personne désireuse d’adapter, partager ou citer ce rapport d’étude selon les termes et conditions énumérées dans la licence ci-dessus sera tenue d’attribuer l’Œuvre ou ses œuvres dérivées à l’auteur original, en utilisant cette formule :

Interprétation légale :

La licence d’utilisation ci-dessus est une version simplifiée de sa version originale disponible à cette adresse : https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/legalcode.fr. En cas de litige, l’interprétation de la version originale doit prévaloir sur celle de la version simplifiée.

Décharge de responsabilité :

Les propos tenus dans ce rapport n’engagent que ses auteurs. Les opinions, observations, conclusions ou recommandations exprimées dans ce document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de Téléfilm Canada, qui n’est aucunement lié par les recommandations contenues dans ce document.

À ce titre, Téléfilm Canada se décharge de toute responsabilité quant aux propos tenus dans cette version, de même que toute version ou adaptation ultérieure.


Introduction

Contexte

La politique pour un Canada Créatif de Mélanie Joly dévoilée en septembre 2017 proposait plusieurs piliers, dont un consistant à Investir dans les créateurs et les entrepreneurs culturels canadiens et leurs récits. En ce pilier, on y trouvait l’engagement suivant :

« Une partie des nouveaux investissements destinés aux espaces culturels sera mise à la disposition de hubs créatifs. Ces derniers serviront d’incubateurs d’entrepreneurs et d’entreprises. Les hubs créatifs visent à rassembler les artistes, les entrepreneurs culturels et les organismes au sein d’un espace propice au développement et à la collaboration. Grâce à cet investissement, les créateurs canadiens auront accès à des lieux où ils pourront acquérir des compétences entrepreneuriales, créer, collaborer et innover. Ils contribueront ainsi à l’ouverture de nouveaux marchés pour la créativité canadienne sous toutes ses formes. » (source : point 1.4 du Cadre stratégique)

Les auteurs ont eu le désir d’investiguer et de comprendre davantage ce qu’est un hub créatif ; d’en observer les modèles d’affaires ; et de voir en quoi ces entités pourraient avoir un impact positif sur l’industrie audiovisuelle canadienne.

C’est dans cet optique que les auteurs de cette étude ont mené des entrevues, bâti un rapport, fait un compte-rendu et porté des recommandations en lien avec les bonnes pratiques existantes dans le milieu des hubs créatifs.

Méthodologie

Sachant que dans l’univers des hubs créatifs, les paradigmes apparents touchent la collaboration et l’intelligence collective, l’approche retenue par les auteurs pour mener à bien cette recherche s’est ouverte sur un mode itératif / collaboratif. Ainsi, les auteurs ont décidé d’ouvrir, dès ses tout débuts, cette étude à la communauté, et ce afin de permettre à ses auteurs d’interagir avec le milieu, d’enrichir le processus de recherche de manière participative et d’accélérer le partage de connaissances à ce sujet.

Voilà pourquoi le groupe Facebook «hubs Créatifs / Creative hubs (Recherche Collaborative Research)» a été mis sur pieds afin d’amener les intervenants du milieu de l’audiovisuel et de la créativité à pouvoir interagir durant l’écriture de cette étude et ce, le plus en amont possible.

En participant aux conversations dans ce groupe, les membres ont acceptés gracieusement et sans contrepartie que leurs noms (lorsque pertinent), leurs opinions et l’information divulguée soient utilisés aux fins de la rédaction de ce portrait.

  • Les données ouvertes
  • Le cadavre exquis

Les auteurs ont choisi de rendre ce rapport à votre disposition sous une licence Creative Commons afin de vous permettre, en aval, de vous en inspirer, de la remixer, de la bonifier, bref, de continuer son écriture à votre manière, tel un cadavre exquis.

Enfin, les données brutes qui ont permis aux auteurs de livrer des angles d’analyse vous sont aussi rendues accessibles. Ces données volontairement ouvertes ont été publiées dans le web de manière à les rendre capturables et interprétables par des tiers. Ainsi, le travail ne fait que commencer et d’autres pourront prendre le flambeau de l’analyse de ces données.

Objectifs

Les objectifs de cette démarche sont de permettre à l’ensemble du milieu audiovisuel de :

  • Mieux comprendre l’écosystème des hubs créatifs à travers le monde, en mettant une emphase particulière sur les joueurs canadiens et québécois ; d’explorer les missions, visions, objectifs, résultats atteints, modes opératoires, modèles d’affaires et financiers et les critères d’admissibilité.
  • Mieux comprendre quels sont ces environnements qui stimulent, accompagnent et accélèrent l’émergence des nouveaux modèles d’affaires, de nouveaux modèles d’exploitation de la propriété intellectuelle, des nouveaux modes de distribution et de promotion.

La définition des concepts

En guise d’introduction à l’univers du hub créatif, cette section vise à poser les bases d’un langage commun en clarifiant d’une part, les concepts et notions se rapportant au phénomène et d’autre part, en instituant un cadre conceptuel permettant de mieux comprendre les implications de ces notions à l’égard du phénomène du hub créatif.

À cet effet, une première définition consistera à présenter le hub créatif en son aspect holistique à travers divers témoignages et perspectives. Une deuxième définition aura pour focus son aspect organisationnel, à travers les notions de nature passive et active, d’incubateur et d’accélérateur. Une troisième définition présentera le phénomène en son aspect systématique, à travers la notion de processus innovants et les forces motrices des notions de créativité et d’innovation. L’angle d’approche ainsi édifié amènera en dernier lieu la réflexion sur la caractéristique du hub créatif en sa valeur ajoutée, soit son effet synergique.

Définition du hub créatif

Méthode de rédaction collective d’une définition

À la lumière des recherches entreprises dans le cadre de cette étude, émane une définition du hub créatif édifiée de manière collective et itérative, inspirée d’abord par la littérature que l’on retrouve sur le Web.

Définition du terme « hub créatif » par nos institutions

Le Fonds du Canada pour les espaces culturels (FCEC) propose dans son glossaire cette définition :

« Un hub créatif est un établissement multi-locataires qui regroupe une variété de professionnels des secteurs des arts ou du patrimoine et de disciplines créatives. Divers types d’entreprises, tels que des organismes à but non lucratif, des organismes à but lucratif, ainsi que des créateurs indépendants peuvent s’installer dans un hub. Les hubs créatifs offrent aux multiples usagers des espaces partagés, des équipements et des services ; des occasions d’échange, de collaboration et/ou de développement professionnel ; et des espaces et une programmation accessible au public. »

Cette définition s’avère restrictive, puisqu’elle est axée sur le lieu physique et la dimension immobilière. Ainsi, elle évacue toute existence possible d’un tiers-lieu dématérialisé (virtuel, en ligne) qui ferme la porte au mode de collaboration décentralisé et distribué.

Dans un autre ordre d’idées, le Comité permanent du patrimoine canadien dans son rapport publié en octobre 2018 intitulé « Une vision pour les centres et les districts culturels du Canada » ne statue pas sur une définition précise mais en offre plutôt quatre différentes (en partie 2, page 8), provenant de divers témoignages.

Source de notre proposition initiale

Voici donc l’article sur lequel nous nous sommes fondés pour ériger notre propre définition avant de la soumettre dans le groupe de travail collaboratif :

Discussion sur la proposition initiale

Sur cette première version, voici les réactions et suggestions :

David Guimont J’aime bien cette définition. Je prendrais encore un pas de recul à la 2e phrase : Le hub est avant tout un « un espace » accueillant des entreprises, particuliers, artistes, développeurs, designers, étudiants, chercheurs, … L’idée d’espace (au sens de la géographie sociale) est à la fois physique et métaphorique. Donc, le hub comme un espace où sont des personnes, où il se passe des choses et où il y a des services pour que ces choses se passent de façons organisées ou fortuites.

Annie Chénier Je suis d’accord qu’on ne devrait pas limiter le mot « espace » à infrastructure. Sinon, on aura des grosses coquilles vides. Ça serait triste.

Annie Chénier J’ai bien bien la définition que tu partages Guillaume… en tout cas, plus que celle du Fonds du Canada. Outre le caractère « métaphorique » proposés David devrions-nous ajouter certains aspects concernant l’innovation. La création de valeur sociale ou entrepreneuriale devrait-elle être incontournable ? Si oui, l’accompagnement (incubateur, accélérateur ou autres) devrait être ajouté.

Deuxième version soumise à la collectivité

Suite aux interventions ci-dessus, nous avons soumise au groupe Facebook cette deuxième version :

« Le hub créatif est un espace propice aux rencontres organisées, n’excluant pas les rencontres fortuites. Son objectif vise la collaboration interdisciplinaire, créant de la valeur sociale, culturelle et entrepreneuriale, tout en favorisant l’émergence de projets innovants. Dans son aspect dynamique, le hub incarne ainsi un réseau de diverses parties prenantes issues d’entreprises, des sciences de toutes sortes, de la culture ou des technologies, toutes animées par la même volonté de travailler ensemble en décloisonnant les disciplines. Par son infrastructure même, le hub vise à collisionner les champs de connaissance et provoquer des échanges permettant l’idéation, l’exploration et l’expérimentation, en positionnant dès lors son expertise en facilitation, en idéation, en commercialisation et en recherche de financement. »

Suite à cette deuxième version, voici une suggestion qui nous a mené à la version finale :

Gilles Prince Je partage les différents aspects de cette définition, sur le plan rédactionnel je suggère ceci : (voir point ci-dessous)

La description de hub créatif, version finale

« Le hub créatif constitue un espace propice aux rencontres organisées et même fortuites, favorisant la collaboration interdisciplinaire génératrice d’intelligence collective capable de produire de la valeur sociale, culturelle et entrepreneuriale, nécessaire à l’émergence de projets innovants. Le hub s’incarne dans une dynamique de réseaux et de partenariats issus de secteurs divers tels l’industriel, le scientifique, le culturel et le technologique, tous animés par la même volonté de travailler ensemble au décloisonnement des disciplines. La nature originale de son infrastructure vise à collisionner les champs de connaissance et à provoquer une synergie productrice d’idéation, d’exploration, d’expérimentation, de ressources financières et d’outils de commercialisation ».

Manifesto pour le hub

Sur une note plus ludique, selon le « Manifesto pour le hub » que l’on retrouve dans le  document Recommandations pour un hub de créativité au sein du Quartier de l’innovation, le « hub de créativité doit être CO ». Ce document mentionne que le hub de créativité est « un endroit où la COllaboration de l’espace COgnitif permettra un CO-développement (…) ouvrant plutôt (sur) une CO-gestion où le CO-design pourra COlporter la CO-prospérité dans un ensemble COhérent de COalitions où à l’image d’un COach, le hub donnera une COdirection à ses CObayes pour COdifier de façon CO-axiale la créativité pour qu’elle soit COmestible et permette une COhérence dans sa qualité la plus COmmune. »

Les hubs passifs et actifs

Dans le cadre de cette étude, nous avons d’emblée cru bon de classer l’univers des hubs, qu’ils soient créatifs ou non, en 2 catégories : les hubs actifs et les hubs passifs.

La notion de hub actif suggère un écosystème où une autorité sélectionne les projets à accompagner. Dans ce contexte, les candidats choisis sont activement accompagnés et entourés d’expertises provenant de plusieurs secteurs pouvant apporter de la valeur (au sens large) au projet.

En revanche, la notion de hub passif fait allusion aux différents écosystèmes qui, de par leur configuration physique ou autre, permettent à tous, sans processus de sélection, d’y entrer et d’y bénéficier d’une synergie organique, appartenant plus à la rencontre fortuite qu’à celle organisée. Un exemple concret de ce type de hub est un espace de travail commun (coworking) proposant la location d’espaces et vendant quelques ateliers de formation.

Ceci dit, les hubs passifs et actifs cohabitent souvent ensemble. Un espace collaboratif peut offrir des services ouverts à tous, tout en proposant un volet d’incubation et d’accélération limité à des candidats sélectionnés au mérite et potentiel de leurs projets.

Dans le cadre de cette étude, nous avons choisi d’axer nos recherches et analyses sur les hubs offrant une composante active.

La différence entre incubateur et accélérateur

Nos différents entretiens avec les hubs créatifs nous ont permis de constater que le modèle du hub créatif se fonde en général sur le principe de l’incubateur-accélérateur d’entreprises.

Selon Wikipedia, le principe d’incubateur d’entreprises remonterait à 1977, avec la première création d’une pépinière d’entreprises en France nommée « Ateliers du Buëch ». À cette époque, le principe de pépinière d’entreprises consistait « le plus souvent à proposer des bureaux, parfois des locaux d’activités ou de stockage, des services logistiques mutualisés (accueil, salles de réunions, …) et des services d’accompagnement (conseils, formation, intégration dans les réseaux économiques, …). Soutenues par des acteurs publics, elles appliquent une tarification avantageuse pour une période limitée (5 ans maximum) » (source).

Or, ce principe s’est largement répandu durant les années 80, un peu partout sur la planète. Aujourd’hui, on trouve d’innombrables exemples d’écosystèmes du genre, publics et/ou privés, qui accompagnent des entreprises en démarrage, de l’idéation jusqu’au marché.

Selon l’article Accélérateur, incubateur : comment faire la différence ? de l’auteur Hugo Gerling du site WikiPME :

« Les incubateurs soutiennent les créateurs d’entreprise et les entrepreneurs. L’objectif d’un incubateur est d’aider à transformer une idée innovante en entreprise performante. Les incubateurs sont soit publics (grandes écoles, collectivités locales…) soit privés (créés par des grandes entreprises ou des investisseurs). Ils proposent généralement l’hébergement d’une entreprise à des tarifs préférentiels pendant une durée d’un ou deux ans, des ressources matérielles, un accompagnement personnalisé ou encore la mise en relation avec d’autres entrepreneurs, investisseurs ou clients potentiels.

Les accélérateurs fonctionnent sur le même principe que les incubateurs mais, comme leur nom l’indique, ils servent à accélérer le développement d’une entreprise, et proposent donc en conséquence une durée d’accompagnement moins longue (de 3 à 6 mois). Le travail est davantage centré sur la partie technique et sur la croissance de l’entreprise. Le modèle de revenu est également différent puisqu’à l’inverse d’un loyer pour un incubateur, l’accélérateur prend des parts dans la start-up et joue donc le rôle d’investisseur. »

En d’autres termes, un incubateur ne prend d’ordinaire pas de risque sur un projet d’affaires. Son modèle d’affaires est rattaché à la vente de services et/ou au financement public (subventions) ou privé (commandites / dons philanthropiques). Tandis qu’un accélérateur intervient à partir du moment où un modèle d’affaires démontre un succès dans le marché, en engrangeant des revenus. L’accélérateur se fonde sur un modèle de partage de risque, où – règle générale – il prend possession d’équité dans l’entreprise en échange d’investissement en liquidités, en temps, en ressources et en aide au développement par son réseau de contacts.

Le concept de créativité

Dans le cadre de nos recherches, nous avons tenté de déterminer si la notion de créativité devait appartenir exclusivement à l’univers artistique. Selon Wikipedia, « La créativité décrit — de façon générale — la capacité d’un individu ou d’un groupe à imaginer ou construire et mettre en œuvre un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème. ». Or, pour citer quelques exemples, la créativité d’un graph(it)eur peut être à la fois artistique (calligraphique, graphique) et sociale (contestataire, dénonciatrice) ; la créativité d’un architecte peut être à la fois inventive au niveau utilitaire et novatrice quant au design de l’immeuble. Nous constatons de fait que la créativité peut se retrouver partout, dans tous les secteurs, sans appartenir exclusivement au secteur de la création artistique ; qu’entre ce qui est totalement créatif et ce qui ne le serait pas du tout, il existe des millions de zones grises.

De ce fait, nous appliquons le terme créatif à tout type d’industrie.

Le concept d’innovation

Dans la perspective telle qu’elle l’est envisagée, le hub créatif génère de l’innovation, facilite et accélère les projets innovants. Selon la définition proposée par le Manuel d’Oslo de l’OCDE, nous considérons à cet effet l’innovation comme :

« La mise en œuvre (implémentation) d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé (de production) nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques d’une entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures ».

Tout projet innovant se résume ainsi à la concrétisation d’une idée créative.

De ce fait, selon des académiques experts en management de la créativité (Cohendet et Simon, HEC Montréal), tout projet innovant s’inscrit dans un processus partant de l’idéation et l’exploration (acte créatif) à la mise en marché et la commercialisation (acte innovant).

Le processus innovant

À la lumière de la perspective illustrée ci-haut et de nos observations dans le cadre de cette étude, il s’avère que le processus innovant se déploie au travers deux types d’activités principales, soit l’une axée sur l’exploration et l’autre axée sur l’exploitation.

En amont du processus innovant, les activités d’exploration sont dédiées à la remise en question des manières de faire conventionnelles en vue de générer des concepts cognitivement distants. Axées sur l’expérimentation, il a été observé que ces activités se concrétisent dans les hubs par des activités non formelles, tels le réseautage et les espaces de travail partagés et par des activités informelles, telles des séances d’idéation encadrées par des experts en accompagnement des entreprises. En aval du processus innovant, les activités d’exploitation sont dédiées à la matérialisation des idées créatives en un produit s’inscrivant dans un marché. Dans une logique mercantile, ces activités orientées « affaires » sollicitent les investisseurs, les experts en accompagnement aux entreprises et experts en production et diffusion d’œuvres artistiques tels que Lune Rouge (Montréal), Centre Bang (Chicoutimi), Artscape (Toronto) et 104factory (Paris).

Le hub créatif mobilise ainsi des experts spécialisés en accompagnement d’entreprises de tous horizons (industriel, culturel, artistique), agissant à titre de parties prenantes aux différentes phases (exploration, exploitation) du processus innovant.

Intrants et extrants du hub créatif

Le propre du hub créatif est d’accueillir des intrants (artistes, œuvres, idées, produits, projets, startups, coach, mentors, experts-conseils, investisseurs, etc.) qui s’avèrent tous différents, complémentaires et certainement inégaux en terme de valeurs initiales (savoir, savoir-faire, savoir-être, avoir, matériel, immatériel etc.). L’acte intentionnel du hub créatif entourant les participants et leurs projets (ces intrants de valeurs) donne ainsi lieu à une dynamique qui amplifie (vise en soi l’amplification de) l’apport des valeurs individuelles (provenant) de chaque partie prenante entourant le projet ; un contexte où tous apportent mutuellement l’un à l’autre. Ainsi, peu importe la valeur mercantile intrinsèque au projet qui représente un intrant dans un hub créatif, ce dernier suggère une structure qui bonifierait invariablement son extrant.

De cette structure en ressort une « valeur ajoutée », un extrant, dont la somme des apports est supérieure à l’apport provenant de chacune des parties entourant le projet. Nous pourrions d’ailleurs paraphraser cette situation avec l’équation illogique « 1+1=3 » qui signifie, tel que Aristote l’a déjà statué, « le tout est plus grand que la somme des parties ». Un concept nommé « Holisme ontologique ».

Selon Wikipedia, « L’holisme ontologique est une conception (…) selon laquelle un « tout » (organisme, société, ensemble symbolique) est plus que la somme de ses parties, ou autre qu’elle. Il faut rattacher à cette définition ce que l’on nomme « le principe d’émergence » : un « tout » n’est pas un simple agrégat. À partir d’un certain seuil critique de complexité, les systèmes voient apparaître de nouvelles propriétés, dites propriétés émergentes. Celles-ci deviennent observables lorsqu’elles vont dans le sens d’une auto-organisation nouvelle. De là découle le point de vue selon lequel c’est le tout qui donne sens et valeur à ses parties par la fonction que celles-ci jouent en son sein. »

En ressort donc du hub créatif un extrant qui est le fruit d’un processus « holistique ».   Selon le dictionnaire Larousse, le terme holistique est « relatif à la doctrine qui ramène la connaissance du particulier, de l’individuel à celle de l’ensemble, du tout dans lequel il s’inscrit. »

Valeur tangible/intangible des intrants/extrants et valeur marchande

À des fins de clarté, la notion d’intrant réfère autant à la valeur intangible des ressources humaines (leur force de travail immatérielle), qu’à la valeur de la matière première apportée par ces derniers (œuvre, idée, projet, bien, service) qui peut s’avérer autant matérielle (tangible) qu’immatérielle (intangible). La valeur ajoutée de l’extrant du hub créatif résulte dès lors d’un processus « holistique » capitalisant autant sur les aspects tangibles et intangibles de l’intrant. Cette valeur, à la sortie d’un hub, se matérialise en un produit tangible (bien, œuvre d’art, production artistique, service). Ainsi, bien qu’un extrant puisse également prendre la forme d’un produit intangible (théories, performance artistique, expérience culturelle), sa valeur ajoutée réside dans le produit tangible qu’il incarne, précisément par sa valeur marchande.

À cet effet, les notions des valeurs tangibles et intangibles sont intrinsèquement liées aux notions de valeurs marchandes/non marchandes, en référence aux concepts de biens rivaux et non-rivaux. Les intrants/extrants intangibles, immatériels de nature, ont ainsi pour caractéristique d’être des biens non-rivaux offrant une possibilité de consommation simultanée, accessible à tous, sans compétition. À l’opposé, les intrants ou extrants tangibles, matériels de nature, s’inscrivent dans une logique de rareté du bien, où l’usage de l’un restreint la possibilité de consommation de l’autre. Par conséquent, les intrants/extrants tangibles incarnent une valeur marchande plus monnayable comparativement à leurs pairs  intangibles.

À titre d’exemple, vous trouverez au point ci-dessous une situation illustrant la transformation d’un intrant à valeur intangible en extrant à valeur tangible. Il s’agit d’un cas de figure fictif qui présente une situation complexe, où une œuvre d’art en format numérique (un bien intangible et non-rival) est jumelée à un produit physique et un système de distribution hermétique (bien tangible et rival).

Exemple fictif de mutualisation de valeur

Voici un scénario fictif permettant de mieux comprendre la valeur synergique d’un hub créatif, telle que décrite dans la section précédente :

Un artiste-peintre est invité en résidence dans un hub créatif (à vocation artistique et culturelle). Il aura d’entrée de jeu accès à un studio chauffé, éclairé et pourra côtoyer d’autres artistes œuvrant dans son propre domaine ou dans des secteurs culturels connexes (dimension passive du hub). S’en suivra un moment où on l’invitera à présenter son travail à des intervenants ayant des compétences en marketing et en développement durable (dimension active du hub). De cette rencontre, pourrait naître l’idée de créer un maillage entre un fabriquant de téléphone avec une vision de développement durable (le Fairphone, par exemple) et l’artiste-peintre. Il pourrait ainsi être invité à créer une œuvre dont les thèmes abordent la proximité et l’ubiquité des télécommunications numériques ; ou encore, ceux en rapport à la surconsommation ou l’obsolescence programmée (vocation sociale).

En émanerait ainsi la création d’une peinture (unique et physique, un bien rival) dont l’image (virtuelle, dématérialisée et facilement reproductible, donc non-rivale) serait utilisée en fond d’écran sur le Fairphone, de même que dans toutes les campagnes médias pour valoriser le téléphone (vocation commerciale).

Par conséquent, l’utilisation, par une tierce partie, d’une reproduction numérique (non-rivale) en milliers d’exemplaires d’une œuvre rivale (la toile originale) présente des bénéfices à portée variée. L’utilisation pourrait d’une part, augmenter la notoriété de la toile originale (valeur commerciale) et d’autre part, augmenter la valeur perceptive (image de marque) du fabricant de téléphone (valeur sociale). Ce maillage, provoqué dès le départ entre l’artiste, quelques intervenants du milieu du marketing et un fabricant transformerait l’intrant (l’œuvre de l’artiste) en extrant de mise en marché d’impact (image valorisant une image de marque et les valeurs sociales qu’elle défend).


Analyse des données et tendances observées

La section précédente a permis de définir le phénomène du hub créatif en son concept en termes holistiques, organisationnels (actif versus passif, incubateur versus accélérateur) et systématiques (créativité, innovation, processus innovation, intrants et extrants). Cette section vise désormais à ancrer cette conceptualisation dans l’empirique et à illustrer le phénomène de manière concrète. Plus précisément, elle vise à mieux comprendre le phénomène du hub créatif à travers sa réalité géographique (à Montréal, au Québec et ailleurs), les joueurs qui la caractérisent ainsi que les parties prenantes qui la composent. Ultimement, les intentions sont de préciser sa valeur ajoutée à l’égard des hubs dits conventionnels, en regard à la dynamique de l’effet synergique exposée dans la section antérieure.

Échantillonnage

Pour se faire, cette recherche exploratoire se base sur l’analyse qualitative de 55 organisations qui sont considérées comme joueurs de l’écosystème des hubs créatifs à Montréal, au Québec et ailleurs dans le monde. Voici nos principales sources de provenance d’information :

Ainsi édifiée, la liste de ces 55 organisations, bien que non exhaustive, dresse un portrait sommaire de différents hubs créatifs inspirants à travers le Canada, avec une emphase sur les acteurs du Québec et un regard général sur quelques joueurs inspirants à l’International. Inscrites dans une banque de données, ces organisations ont été classifiées selon des catégories spécifiques (mission, différents modes opératoires, modes de financement, critères d’admissibilité, etc…). L’étude de similarités parmi les champs de ces critères nous ont permis d’observer des tendances qui dévoilent certaines spécificités du hub créatif, notamment quant aux écosystèmes dans lequel il s’inscrit. Ces observations sont partagées dans cette section.

En guise d’introduction aux résultats de l’analyse de la banque de données, la carte interactive ci-dessous présente une topographie des joueurs selon leur emplacement géographique. Chaque entité comporte ainsi une fiche descriptive à la lumière des informations récoltées. Compte tenu de l’échantillon limité et de l’information qui repose sur des sources de secondes mains (site internet), il est à noter que cette carte ne constitue pas un reflet exhaustif de la situation.

Carte interactive des entités des écosystèmes créatifs de la banque de données

Source dans Fusion Table : https://www.google.com/fusiontables/DataSource?docid=1_hGgXthIc_GyYIPuXHuo8i3Yg7LpkFRXyXd9rujy (Illustration cartographiée des données de notre banque de données disponible jusqu’au 3 décembres 2019, date après laquelle le service Fusion Table de Google sera discontinué).

À noter que la banque de données est une liste de données ouvertes en ligne en guise d’outil complémentaire à la lecture du rapport. Son accès ouvert permettra à d’autres entités de la télécharger et de la bonifier en vue d’en tirer, nous l’espérons, d’autres sortes de conclusions et de constats.

Portrait général des hubs créatifs d’ici

Tel que mentionné, l’échantillon étudié réfère à 55 organisations, qui selon plusieurs sources, sont considérées comme des joueurs prenant part aux écosystèmes des hubs créatifs. Bien que non exhaustive, cette liste dresse ainsi un portrait ​de différents hubs créatifs inspirants à travers le Canada, avec une emphase sur les acteurs du Québec et un regard général sur quelques joueurs à l’International. Au travers l’édification d’une banque de données, ces joueurs sont classifiés selon des critères tels que la mission, différents modes opératoires, modes de financement, critères d’admissibilité, etc.

L’objet de cette sous-section vise à présenter diverses statistiques sur l’échantillon dans sa géographie et son domaine d’industrie (industriel vs créatives) ainsi que dans ses possibilités de découpage et de regroupements en sous-catégories en regard à certains critères. Pour plus de détails, veuillez vous référer à notre banque de données ouverte.

Au niveau de la situation géographique, sur les 55 organisations répertoriées dans la banque de données, il est observé que 62%  se situent à l’échelle régionale provenant de la grande région de Montréal (incluant Laval et Longueuil), 24%  se situent à l’échelle provinciale (ex. Lac Mégantic, Sherbrooke, Magog) et 16% se situent à l’échelle nationale et internationale (ex. Toronto, Paris).

Au niveau des secteurs industriels, sur les 55 organisations répertoriées dans la banque de données, il est observé que 25% sont dédiés aux arts et la culture (la création artistique ou artisanales; culture), 24% sont dédiés à la culture (sans rapport aux arts) sur des sujets variés tels l’urbanisme, le divertissement, le tourisme, la technologie et la santé. Les 51% organisations restantes œuvrent dans le secteur industriel, principalement dans l’entreprenariat et la technologie.

Au niveau des différents types de hubs que ces 55 organisations représentent, il est observé que 76% se positionnent entre autre comme des incubateurs et/ou accélérateurs. Or, seulement 25% des organisations affichent l’orientation purement « incubateurs » et/ou « accélérateurs ». Hormis ces 14 organisations qui se caractérisent par un franc positionnement dans le type de hub qu’elles incarnent, les organisations restantes (51%), s’affichent combinées avec d’autres types de parties prenantes. Ces types de parties prenantes adjointes se déclinent notamment sous la forme de hubs d’investissement (13%), pôles de recherche (33%), fab lab (5%), pôle d’innovation sociale (33%), Service Conseil (11%) et producteurs et diffuseurs (18%). Non mutuellement exclusives, il est observé que ces parties prenantes décrivent les organisations dans le type de hub qu’elles incarnent. L’analyse de cette combinaison dans la section ultérieure permettra de mettre en lumière des écosystèmes reflétant différents types de structure de hub.

Il est cependant à noter que la déclinaison des différents types de hubs ainsi présenté dans la banque de données, est fondée sur des données de deuxième main, soit des informations recueillies sur les sites internet. Pour davantage de précision, la classification des joueurs selon les types de hub dans la banque de données mériterait d’être validée auprès des administrateurs des organisations eux-mêmes.

Ainsi, les catégories de classement de la banque de données suggèrent des possibilités de découpage dont certaines ont retenu notre attention, notamment selon le domaine d’industrie (industriels versus industries créatives versus culture) et selon les types de hubs, s’observant par une combinaison de différentes parties prenantes. Les sections ultérieures présentent l’observation des tendances qu’il subsiste entre ces deux catégories.

Un premier constat s’impose à la lumière de l’analyse descriptive de l’échantillon de la banque de données : la notion de hub créatif est un concept poreux dont le caractère distinctif n’est pas apparent de prime abord. Elle suscite ainsi le questionnement à savoir si tous les hubs répertoriés dans la banque de données sont des hubs créatifs et si tel n’est pas le cas, en quoi relève son caractère distinctif.

Les inspirations en dehors du Québec

Selon notre sondage auprès de hubs d’ici et selon les échanges sur le groupe Facebook, voici les inspirations internationales dénotées :

  • Les Living Labs scandinaves et incubateurs du type : StartUp Sauna à Helsinki (Finlande)
  • Welcome City Lab à Paris (France)
  • Réseaux hubs belges
  • Gaîté lyrique à Paris (France)
  • Mezzanine Spectacles à Paris (France)
  • Bureau Cassiopée à Paris (France)
  • Le Mixeur (France)
  • Dance umbrella of Ontario (DUO), Toronto (Canada)
  • Creative Dudee
  • Les Copeaux Numériques en France.

Dans la banque de données prenant part à l’analyse qualitative, y figure également:

  • Le Studio Lassonde à Salt Lake City / UTAH (États-Unis ; hub actif)
  • FCAD Forum for Cultural Strategies à Toronto (Canada; hub passif)
  • MUSÉOMIX à Lyon (France ; hub passif)
  • Akin à Toronto (Canada ; hub passif)
  • Gaîté Lyrique à Paris (France ; hub actif)
  • 104factory à Paris (France ; hub actif)
  • Artscape à Toronto (Canada ; hub actif)

Les différentes vocations de hubs

En réponse au questionnement suscité en conclusion du premier constat, l’objet de cette section vise à déterminer ce qui caractérise un hub créatif par l’analyse de ses parties prenantes (types de hub) et de la manière dont elles sont connectées entre elles.

De manière générale, cette recherche nous a permis d’observer des tendances dans la manière dont s’organisent les différents hubs actifs au Québec. Ces dernières se manifestent au travers différents modes d’organisation se révélant par trois types de structures définies dans les sous-sections suivantes, soit :

  1. les hubs à vocation commerciale;
  2. les hubs à vocation sociale;
  3. les hubs à vocation artistique et culturelle.

Dans un premier temps, il sera ainsi question de définir les types de structure de hubs à travers l’écosystème qu’ils incarnent, c’est-à-dire selon le réseau de parties prenantes,  leur vocation poursuivie, leur domaine d’industrie, la nature de leurs activités (exploration versus exploitation) ainsi que la nature des biens produits (extrants tangibles versus intangibles).

Dans un deuxième temps, l’illustration graphique du concept d’écosystème de hub en  une schématisation synthèse permettra d’établir les bases d’un premier diagnostic quant à la qualité d’un hub créatif.

Le hub à vocation commerciale

Régi par une logique mercantile, ce type de structure de hub vise la production de bien commercial principalement de nature tangible et rivale. Catalyseur de succès, il vise à soutenir la croissance des entreprises en démarrage regroupant en ses espaces un écosystème d’entrepreneurs, de startups en technologie, de chercheurs, d’investisseurs et de consultants experts en développement des entreprises. Cet écosystème œuvre majoritairement dans le secteur industriel mais se retrouve également dans les industries créatives et artistiques. Offrant à la fois des activités d’exploration et d’exploitation, ce type de structure comprend généralement des infrastructures et équipements technologiques de pointe accessibles à ses membres permettant la recherche, l’expérimentation et le prototypage.

Plus spécifiquement, ce type de hub est structuré par la dynamique de deux parties prenantes singulières telles qu’il l’a été expliquée antérieurement dans une section précédente, soit les incubateurs (dédiés aux activités exploratoires) et les accélérateurs (dédiés aux activités d’exploitation). Après incubation, les projets innovants des entreprises en démarrage présentant le plus de potentiel de mise en marché ont la possibilité de participer à un programme d’accélération. Certains hubs chapeautent à la fois des programmes d’incubation et d’accélération alors que d’autres sont spécialisés dans l’un ou l’autre des programmes.  

Plusieurs exemples de hub appartiennent à ce type de structure, provenant à la fois des domaines industriels et des industries créatives. À cet effet, 31 organisations répertoriées figurent dans cette catégorie (56%) (combinaison de mots clés : accélérateur, hub d’investissement, incubateur, fab lab, service conseil, pôle de recherche). 10 entreprises œuvrent dans la culture, la création artistique ou artisanale, le divertissement et le tourisme (32%), tandis que 21 entreprises opèrent dans les domaines de la technologie et entreprenariat (68%).

Dans le domaine des technologies, citons l’incubateur L’Espace CDPQ, l’accélérateur Capital Innovation et FounderFuel en tant qu’accélérateur et incubateur. Ces hubs partagent la caractéristique « de rassembler des partenaires et collaborateurs en vue d’accélérer la croissance des PME québécoises ». Dans le domaine des industries créatives, citons l’incubateur La Machinerie des arts (Montréal) et les incubateurs-accélérateurs Le Camp (Québec) et le Execution Lab (Montréal). Dédiés à l’art, ces hubs partagent la caractéristique de « mutualiser des ressources et partager des expertises pour soutenir les créateurs et favoriser la réalisation de projets artistiques de qualité ».

Deuxième constat : le hub à vocation commerciale détient toute l’expertise nécessaire pour développer un projet d’entreprise jusqu’à son entrée au marché. La créativité est ainsi capitalisée dans l’élaboration de produits à valeurs tangibles.

Le hub à vocation sociale

En réponse à des enjeux de société, le hub à vocation sociale contribue au développement (souvent durable) des secteurs par la recherche de solutions concrètes à des problèmes sociaux, par l’élaboration de nouvelles perspectives critiques et par ses actions visant à démocratiser les savoirs. À caractère culturel et social, ce type de structure de hub regroupe en ses espaces un écosystème de chercheurs en sciences sociales et humaines, d’OBNL, d’acteurs œuvrant dans le communautaire et des citoyens.

Par la nature de ses biens intangibles (ex. théories, expérience culturelle), ses activités visent à rehausser la compréhension d’un phénomène par des activités de maillage dans une approche multidisciplinaire et multisectorielle.

Plus spécifiquement, ce type de hub se caractérise majoritairement par la dynamique de deux parties prenantes, soit les pôles d’innovation sociale et de recherche. Davantage axé sur les activités de nature exploratoire, le pôle d’innovation sociale offre des services à vocation éducative favorisant la participation citoyenne à la vie culturelle. En revanche, davantage axé sur les activités d’exploitation, le pôle de recherche offre des services d’accompagnement aux entreprises inspirés par la recherche académique et leurs applications concrètes. Complémentaires dans leurs activités, ces parties prenantes contribuent ainsi toutes deux aux champs des connaissances par le développement ou le transfert. Prenant part à cet écosystème, s’y adjoint également la présence d’incubateurs et certains cabinets de Services-Conseils.

Dans la banque de données, 13 entreprises (24%) appartiennent à cette catégorie (combinaison de mots clés : innovation sociale et (incubateur, accélérateur, pôle de recherche, fab lab, service conseil, production et diffusion) et tous les domaines excluant création artistique et ou artisanale) . Par exemple, le pôle de recherche Mosaic à HEC Montréal se présente comme une plateforme d’échanges et de partage de connaissances en management de la création, incitant chercheurs et gestionnaires à réfléchir sur le phénomène. Dû à leur expertise, cette entité s’affiche également en Services-Conseils pour des mandats spécifiques dans le domaine. En innovation sociale en urbanisme, citons le Quartier de l’Innovation axé sur « la collaboration et l’expérimentation entre les milieux académique, entrepreneurial et citoyen favorisant des retombées positives pour la société ». Et encore, en innovation sociale en culture et technologie, citons TechoCulture qui, par l’expérimentation, vise à sensibiliser les citoyens et les institutions culturelles à la culture numérique par des ateliers, formations et de l’accompagnement en des mandats de consultation.

Troisième constat : le hub à vocation sociale détient toute l’expertise pour rehausser la compréhension d’un phénomène en favorisant les échanges de perspectives multidisciplinaires et intersectorielles. Facilitateur et pédagogue, il agit en tant que médiateur intellectuel et culturel dans le transfert et le développement des connaissances. La créativité est ainsi capitalisée dans l’élaboration de produits intangibles (ex. propriété intellectuelle).

Le hub à vocation artistique et culturelle

À la fois sociale et commerciale, la structure de hub à vocation artistique et culturelle représente une version hybride des types présentés précédemment, générant à la fois des produits tangibles (ex. production artistique, production d’œuvre d’art) et intangibles (ex. performance artistique, expérience culturelle). Partant généralement d’un projet immobilier, ce type de hub regroupe en ses espaces un écosystème d’artistes en résidence, de médiateurs culturels, gens d’affaires, diffuseurs et coproducteurs, chercheurs en sciences humaines (recherche-création) et citoyens. Incarnant un complexe artistique et communautaire, son offre de services variée ouvre au dialogue entre l’art et la culture, à la fois axé sur le rayonnement et la démocratisation des arts.

D’une part, il soutient la performance artistique par des formations formelles et informelles, par l’accompagnement au financement, bourses et subventions, par l’accès aux infrastructures, équipements techniques et plateformes de diffusion à la manière du hub à vocation commerciale. D’autre part, il favorise la participation citoyenne à l’art et la culture par des activités éducatives à la manière du hub à vocation sociale.

Épicentre hôte d’activités de création et de diffusion, ce type de hub collabore avec des pôles de recherche et d’innovation sociale instituant dès lors un écosystème ancré dans sa localité. Ce hub présente ainsi la particularité de contribuer au dynamisme de sa communauté où les différentes parties prenantes des arts, de la culture, de la société et de la recherche s’enrichissent mutuellement.

Dans la banque de données, 11 entreprises (20%) appartiennent à cette catégorie (combinaison de mots clés : Production et diffusion et ou complexe artistique et communautaire et (incubateur, accélérateur, pôle de recherche, hub d’investissement, fab lab). À l’échelle nationale et internationale, mentionnons Artscape à Toronto, 104factory et Gaîté Lyrique à Paris. Au Québec, mentionnons la SAT, La Piscine (Montréal), le Centre Bang (Chicoutimi) et la Lune Rouge en processus d’ouverture à Montréal.

Quatrième constat : d’entrée de jeu, le hub à vocation artistique et culturelle détient une expertise en créativité capitalisée non seulement dans l’objet de production (tangible et/ou intangible) mais dans leurs activités. Plus précisément, on remarque que le hub à vocation artistique et culturelle se distingue par une gamme d’activités offrant des expériences variées, fruit de la combinaison d’intentions multiples visant à démocratiser l’art, à rehausser le niveau de performance artistique et encore, à le questionner. À travers cette dynamique, le hub à vocation artistique et culturelle apparaît comme étant « créatif » dans son écosystème, tel le processus holistique favorisant l’émergence  « de nouvelles propriétés du système (…) qui vont dans le sens d’une auto-organisation nouvelle  ».  Bien que les manifestations créatives de ce processus holistique devraient faire l’objet d’une analyse plus poussée, selon nous et nos intuitions de chercheurs, cette particularité lui vaut la qualité de hub créatif.

Synthèse sur l’écosystème des hubs

Ainsi, tel que présenté, les types de structure de hub présentent une composition de parties prenantes qui varie selon la vocation poursuivie, qu’elle soit commerciale, sociale ou culturelle et artistique. Le schéma ci-dessous illustre la mosaïque de ces différents types de structure selon le positionnement des parties prenantes sur deux axes :

  1. L’axe tangible / intangible ;
  2. L’axe exploration / exploitation.

En outre, chaque partie prenante est située dans sa relation avec les autres parties prenantes en termes d’intrants et extrants (ex. dicté par le sens de la flèche, l’extrant de l’un incarne l’intrant de l’autre).

Schéma des types de structure de hub selon les parties prenantes

On remarque que le hub à vocation artistique et culturelle se schématise sur quatre cadrans (liens en rose) alors que le hub à vocation sociale s’inscrit sur deux cadrans (liens en vert) et que le hub à vocation commerciale ne s’inscrit que sur un seul cadran (liens en rouge). En écho au quatrième constat, le hub à vocation artistique et culturelle est celui qui affiche le plus d’affinités entre des univers variés : ce dernier agit de concert avec des parties prenantes qui explorent et exploitent l’intangible (complexe artistique, pôle d’innovation sociale et de recherche) et qui explorent et exploitent  le tangible (incubateur, diffusion et co-production et accélérateur).

À des fins de clarté, le tableau ci-dessous explicite plus en détails les organisations et parties prenantes constituant l’écosystème de ces types de structure.

Les parties prenantes des différents types de structure

Parties prenantes Nature des activités Nature des produits (extrants) Type de structure de hub
Incubateur Accompagnement aux entreprises et idéation Tangible Vocation commerciale, artistique et culturelle
Accélérateur Accompagnement aux entreprises  et commercialisation Tangible Vocation commerciale
Hub d’investissement Accompagnement au financement et commercialisation Tangible Vocation commerciale
Fab Lab Expérimentation et prototypage Tangible Vocation commerciale, culturelle et artistique
Services- Conseils Accompagnement aux entreprises et transfert des connaissances Tangible et intangible Vocation commerciale et sociale
Pôle de recherche Développement des connaissances et méta- réflexion sur les processus créatifs et innovants Intangible Vocation commerciale, sociale, culturelle et artistique
Pôle d’innovation sociale Développement et transfert des connaissances dont les retombées sont positives pour les individus et la communauté Intangible Vocation sociale, culturelle et artistique
Complexe artistique et communautaire Complexe immobilier regroupant artistes en résidence et ouvert au public Tangible et intangible Vocation culturelle et artistique
Production et diffusion Rayonnement des productions artistiques et médiation culturelle Tangible Vocation culturelle et artistique

Il est à noter que cette liste, non exhaustive, est le fruit d’une recherche exploratoire produite à partir de l’analyse qualitative de la banque de données. À cet effet, une analyse plus exhaustive devrait intégrer d’autres parties prenantes telles que les living lab et les hubs d’économie d’impact social.

Pour des exemples concrets, veuillez vous référer à la banque de données. Cette omission est délibérée et ce, pour éviter la confusion puisque comme mentionné, les entités figurant dans la banque de données se présentent comme une combinaison de parties prenantes.

En somme, découle de notre analyse une compréhension du phénomène de hub à travers l’identification de trois écosystèmes qui diffèrent selon leur vocation commerciale, sociale et artistique et culturelle.  Plus spécifiquement, ces écosystèmes sont constitués de parties prenantes dont la combinaison incarne les entités recensées dans la banque de données et qui présentent la tendance à se positionner davantage dans l’un ou l’autre de ces écosystèmes.

Un cinquième constat découle de cette dynamique : en vertu du caractère multidisciplinaire du hub créatif, subsiste un enjeu dans la catégorisation du phénomène en une forme définie, le risque étant de réduire la compréhension du phénomène en des catégories hermétiques réductrices.

Caractérisation d’un hub créatif

En guise de rappel, voici les 5 constats qui découlent des observations de l’analyse qualitative de la banque de données :

Un premier constat : la notion de hub créatif est un concept poreux dont le caractère distinctif n’est pas apparent de prime abord. Elle suscite ainsi le questionnement à savoir si tous les hubs répertoriés dans la banque de données sont des hubs créatifs et si tel n’est pas le cas, en quoi relève son caractère distinctif.

Deuxième constat : le hub à vocation commerciale détient toute l’expertise nécessaire pour développer un projet d’entreprise jusqu’à son entrée au marché. La créativité est ainsi capitalisée dans l’élaboration de produits à valeurs tangibles.

Troisième constat : le hub à vocation sociale détient toute l’expertise pour rehausser la compréhension d’un phénomène en favorisant les échanges de perspectives multidisciplinaires et intersectorielles. Facilitateur et pédagogue, il agit en tant que médiateur intellectuel et culturel dans le transfert et le développement des connaissances. La créativité est ainsi capitalisée dans l’élaboration de produits intangibles (ex. propriété intellectuelle).

Quatrième constat : d’entrée de jeu, le hub à vocation artistique et culturelle détient une expertise en créativité capitalisée non seulement dans l’objet de production (tangible et/ou intangible) mais dans leurs activités. Plus précisément, on remarque que le hub à vocation artistique et culturelle se distingue par une gamme d’activités offrant des expériences variées, fruit de la combinaison d’intentions multiples visant à démocratiser l’art, à rehausser le niveau de performance artistique et encore, à le questionner. À travers cette dynamique, le hub à vocation artistique et culturelle apparaît comme étant « créatif » dans son écosystème, tel le processus holistique favorisant l’émergence  « de nouvelles propriétés du système (…) qui vont dans le sens d’une auto-organisation nouvelle  ».  Bien que les manifestations créatives de ce processus holistique devraient faire l’objet d’une analyse plus poussée, selon nous et nos intuitions de chercheurs, cette particularité lui vaut la qualité de hub créatif.

Cinquième constat : en vertu du caractère multidisciplinaire du hub créatif, subsiste un enjeu dans la catégorisation du phénomène en une forme définie, le risque étant de réduire la compréhension du phénomène en des catégories hermétiques réductrices.

En somme, selon nous, la caractéristique d’un hub créatif est qu’il se manifeste autant dans la production du bien/service que dans son écosystème. Comme mentionné, bien que nous considérons la créativité comme intrinsèque à toute forme de création, quelle que soit l’industrie, nous suggérons qu’un écosystème créatif, c’est-à-dire un écosystème donnant collectivement lieu à la création de nouvelles activités créatives inattendues (voir processus holistique), se situe à la jonction des sphères commerciales, sociales et artistiques. C’est à cette jonction qu’une idée peut inspirer d’autres idées et ce, en sortant de son écosystème régulier.

On observe notamment cette dynamique au travers le schéma des écosystèmes des types de hub qui illustre la mainmise du hub à vocation artistique et culturelle sur un réseau de partenaire appartenant à plusieurs univers.

De ce fait, nous statuons que le type de structure à vocation artistique et culturelle présente davantage la caractéristique d’être « créatif » par rapport aux deux autres types de structure.

Néanmoins, à la lumière du cinquième constat, un hub qui n’a généralement pas la vocation d’être « artistique et culturelle » peut très bien devoir soutenir ponctuellement un projet d’ordre artistique et culturel. Bien qu’il ne soit pas expert dans le domaine, il a la prétention d’être en mesure de développer son réseau pour se joindre d’acteurs compétents. Auquel cas, il est fort probable qu’il doive faire appel à des expertises externes pour y arriver.

Les différents modes de financement des hubs

Il existe chez les hubs créatifs différents modes de financement, privés ou publics. Voici une énumération des principaux modes de financement recensés, de même qu’une brève explication.

Financement public

Il existe plusieurs subventions disponibles, tout dépendant du secteur de prédilection du hub. La subvention recensée comme étant expressément dédiée aux hubs créatif est celle du Fonds du Canada pour les espaces culturels (FCEC).

Il est à noter qu’un hub peut recevoir du financement public pour l’opération de sa structure, tandis que le participant peut lui-aussi recevoir des bourses et subventions dans le cadre de son projet. Auquel cas, ces bourses et subventions peuvent servir à couvrir indirectement une multitude de services offerts par le hub créatif.

Financement privé

Certains hubs se financent à l’aide de commanditaires qui injectent des fonds en échange de visibilité et/ou du privilège d’être aux premières loges des projets soutenus. De fait, ce positionnement privilégié représente pour les commanditaires une grande valeur, puisque cela leur permet d’être les premiers en liste en vue de participer, potentiellement comme investisseurs, à l’accélération des projets incubés.

Un autre type de revenus pour le hub créatif, celui-ci plus risqué, consiste à l’investissement par prise d’équité sur le projet (actions dans l’entreprise, parts sur la propriété intellectuelle, etc.). Ainsi, autant le hub lui-même que d’autres investisseurs dans le réseau du hub peuvent contribuer à un tel investissement. Pour le hub, le rendement sur son investissement constitue la clé vers des revenus potentiels, dans la mesure où le hub peut se permettre d’attendre l’arrivée de revenus à moyen et long terme.

Certains hubs réussissent à obtenir du financement public et/ou privé afin de faire l’acquisition d’un immeuble (souvent patrimonial et éligible à des subventions). Cet immeuble peut servir de capital actif pouvant être mis en garantie auprès d’une institution financière afin de dégager des marges de crédits ou liquidités pour différentes activités commerciales, investissement, avances de services, etc.

Vente de services

La plupart des hubs créatifs vendent des services pour financer leurs activités. Notamment, sans toutefois s’y restreindre, des frais d’inscription, des services de restauration, de la location d’espaces comme des bureaux, des salles de réunion, des studios, ou encore la vente de billets pour assister à des formations diverses.

Avance de services (service-dette)

Certains hubs créatifs s’investissent dans les projets des participants incubés en leur avançant différents services éventuellement remboursables par le participant, souvent conditionnellement à ce que ce dernier obtienne une subvention.

La plupart des hubs créatifs actifs combinent ces différentes sources de revenus et, pour y arriver, doivent opérer un organisme sans but lucratif (OBNL) et une corporation (INC) œuvrant généralement en synergie.


La valeur ajoutée des hubs créatifs

Dans l’intention de caractériser le hub créatif dans sa valeur ajoutée, cette section vise à enrichir les notions d’effet synergique et de mutualisation de valeurs déjà exposées dans les sections précédentes en focalisant sur son aspect économique. Définies théoriquement dans la première section en termes d’intrants et d’extrants, expliquées dans la deuxième section en termes d’écosystèmes de parties prenantes, ces notions seront abordées dans cette troisième section en termes d’impacts et de bénéfices économiques, en référence aux notions de biens rivaux et non-rivaux mentionnées précédemment.

Cette section vise ainsi à illustrer, par des exemples concrets, le phénomène du hub créatif qui capitalise sur le potentiel de valeur marchande des intrants intangibles.

L’internalisation des externalités

Souvent, une bonne idée ne semble pas rentable en soi, à prime abord. C’est le cas pour les projets culturels dont le bénéfice ne se chiffre pas toujours en argent sonnant. Par exemple, le démarrage d’une entreprise culturelle impliquant la création de contenus numériques se classe à très haut risque pour des investisseurs. Or, ce même contenu culturel – qui était autrefois une fin rentable en soi – peut devenir aujourd’hui un moyen valorisant autre chose ou être intrinsèquement rehaussé par son association avec autre chose.

Selon l’étude La culture comme levier économique des connaissances percutantes pour l’industrie touristique 2015 cherchant à mesurer les répercussions directes et indirectes de la culture dans l’économie touristique de Montréal, la culture qui attirait annuellement 2,3 millions de touristes culturels serait indispensable au tourisme et représenterait 6% du PIB de la grande région de Montréal. Les 1,6 milliards de subventions gouvernementales en culture seraient donc responsables des 10,7 milliards $ de retombées économiques annuelles totales (7,3 milliards $ de contribution directe à l’économie et 3,4 milliards $ d’effets indirects).

Devant de telles statistiques, il est donc réaliste de croire que certains domaines étant très peu rentables en terme de profits monétaires viennent hautement valoriser d’autres domaines. Ceci suggère un phénomène d’internalisation des externalités positives, au bénéfice de l’ensemble des parties prenantes dans un hub créatif.

Un cas de figure réel de mutualisation de valeur

Pour démontrer avec éloquence le rôle essentiel du hub créatif dans écosystème où les contenus sont difficilement monnayables en tant que tels, prenons exemple de la relation entre le MTLab et Magneto.

MTLab est un incubateur en tourisme, culture et divertissement qui compte neuf entreprises privées comme partenaires et bailleurs de fonds (dont Air Canada, Loto-Québec, Musée de la civilisation de Québec, Tourisme Montréal et Transat). Ce hub agit en tant qu’intermédiaire entre ces trois secteurs et l’écosystème de l’innovation au Québec.

Magnéto est une start-up dans le domaine des communications et de la culture qui fait le pari audacieux de miser sur le format du podcast pour faire rayonner la culture d’ici et donner un second souffle à la création radio.

Règle générale, les grands joueurs du monde touristique ne jurent que par la vidéo pour passer leurs messages. Or, on pourrait émettre comme hypothèse que le médium de la baladodiffusion (podcast) pourrait devenir un médium de communication plus pertinente que la vidéo, dans un contexte où l’utilisateur (le touriste) a les yeux libres pour être en interaction avec des lieux ou objets dans une ville, des expositions, avec certains événements ou autres attraits touristiques. Ainsi, la dimension narrative enrichie du podcast représente une grande valeur pour le tourisme. Or, le podcast appartient d’ordinaire aux industries du divertissement produisant des contenus culturels et journalistiques.

Le rôle du MTLab n’est pas essentiellement d’accompagner des projets de création de contenus. Cet incubateur accompagne davantage ses participants dans le développement des affaires et la mise en marché de leur projet à valeur ajouté pour le milieu du tourisme. Par contre, dans le cas de Magneto, le MTLab a pu les accompagner pour adapter leur offre de services afin de satisfaire les besoins de l’industrie touristique.

D’ordinaire boudés par les banquiers, les projets de production de contenus culturels, comme Magneto, doivent nécessairement se tourner vers des bourses / subventions publiques et les commanditaires privés, jusqu’au moment de démontrer une certaine traction dans le marché. C’est dans ce contexte que MTLab a donc provoqué un maillage entre Magneto et des potentiels clients dans l’industrie du tourisme. Ainsi, la valeur intrinsèque des produits de Magneto est devenue une valeur ajoutée à un secteur industriel ayant une très grande traction dans le marché.


Recommandations

À la lumière de ses conclusions, ce rapport offre un bref aperçu des multiples orientations et recommandations possibles, suggérant de manière générale comment les bailleurs de fonds peuvent considérer et intégrer les hubs créatifs dans leurs activités de financement de la culture.

À cet effet, une de nos propositions consiste principalement à la création d’une politique incitative non-restrictive, dont une partie des grandes lignes sont présentées ci-dessous. Notez que vous pouvez contacter les auteurs afin d’obtenir de plus amples détails.

Création d’une politique incitative non-restrictive

Dans un contexte où le milieu culturel observe de grands chambardements (disruption) dans ses modèles d’affaires; devant l’évidence de grandes problématiques concernant la rétribution des ayants droit; et face à la démultiplication des moyens de diffusion, les auteurs proposent une série de recommandations visant à provoquer des réflexions profondes, des expériences exploratoires et un partage de connaissances dans les domaines d’activités de l’audiovisuel. Voici donc une de nos recommandations qui concerne l’ensemble des secteurs culturels subventionnés par des bailleurs de fonds publics.

RECOMMANDATION GÉNÉRALE AUX BAILLEURS DE FONDS PUBLICS

Permettre à tout demandeur de s’adjoindre d’un hub créatif (actif) dans son projet et reconnaître toutes telles dépenses inhérentes comme étant éligibles au programme.

Selon nos analyses, en rendant admissibles toutes dépenses relatives à l’octroi d’un hub créatif actif au sein d’un projet faisant l’objet d’une demande, les bailleurs de fonds provoqueraient ainsi la mise en place de conditions favorables à l’innovation, à l’approche entrepreneuriale, au financement complémentaire privé et philanthropique et au réseautage d’exportation.

À la lumière de nos recherches, nous concluons que le fait de permettre l’accompagnement d’un demandeur par un hub créatif actif mettrait ainsi en place un environnement propice à l’amplification de l’innovation et son développement. Telle situation permettrait un maillage de forces entourant un projet de création, de production ou de commercialisation des contenus.

Dans ce contexte, les critères d’acceptabilités et d’éligibilité devraient tenir compte de la dimension fluide et poreuse de ce qu’est un hub créatif. Nous invitons tout bailleur de fond public à prendre acte que l’innovation est un extrant pouvant provenir de plusieurs formes d’écosystèmes. Il serait donc prématuré à ce stade-ci de trop baliser le concept de hub créatif.


Conclusion

En choisissant de faire appel ponctuellement à la collectivité, via le groupe Facebook «  Hub Créatifs / Creative Hubs (Recherche Collaborative Research) » pour sonder le milieu et valider des postulats, nous avons pu bonifier et dynamiser notre démarche de recherche. Comme on a pu l’observer dans la page des statistiques du groupe Facebook, 112 membres actifs (sur 205) ont en date d’aujourd’hui participé aux discussions en émettant 135 commentaires et 291 réactions concernant 59 publications.

Nous remercions d’ailleurs chaudement l’ensemble des intervenants dans ce groupe qui ont fait preuve d’une grande générosité dans leurs échanges entre eux et avec nous.

Cette recherche nous a permis de comprendre que la notion de hub créatif est vaste et en constante mutation. Bien que clairement un vecteur d’innovation, le hub créatif (tel que nous l’avons collectivement défini ici) demeure un concept poreux. Nous comprenons à la lumière de cette recherche que la qualité de l’innovation dépendra toujours de la qualité de la liberté dans laquelle elle prendra forme. Or, dans un contexte de financement public, l’acte même de tenter de le catégoriser, de le délimiter et de le baliser serait en soi de créer des conditions freinant l’innovation.

Cette recherche nous aura aussi permis d’apprendre que le propre du hub est d’offrir un espace de valorisation ; de comprendre que, peu importe la valeur individuelle de ses « intrants », tangible ou intangible, le hub créatif proposerait invariablement à sa sortie un « extrant » dont la valeur est supérieure à celle de la somme de ses intrants. Bref, de comprendre que le hub créatif donne logiquement tout son sens à la formule illogique 1+1=3.

Nous sommes conscients que les résultats de cette recherche se fondent sur une analyse concentrée sur des joueurs principalement québécois et canadiens. Cependant, les données récoltées sur les joueurs internationaux, assez similaires aux données domestiques, nous permettent de croire que notre analyse devrait être aussi utile à l’ensemble du milieu culturel canadien, ainsi qu’aux autres milieux similaires ailleurs dans le monde.

Bien que cette recherche se termine ici pour nous, elle débute pour l’ensemble de ses lecteurs avec qui nous partageons non seulement le fruit de nos analyses, mais aussi notre propriété intellectuelle sur ce texte, de même que sur les données brutes récoltées qui nous ont menés aux constats dans ce rapport. Vous pourrez donc télécharger ce document ainsi que notre banque de données ouverte. Puisque ce travail est mis à votre disposition sous une licence Creative Commons de type BY-SA, vous pourrez l’adapter, le traduire, bref le remixer à souhait, en prenant bien soin de nous citer en tant qu’inspiration. D’ailleurs, nous vous en remercions à l’avance ! 🙂

Tel un cadavre exquis, nous souhaitons que la fin de ce travail pour nous soit le début de quelque chose d’autre, pour vous, pour nous tous.

Marie-Odile Duchesneau et Guillaume Déziel