Revente de billets : Napster 2.0

Voici une autre histoire qui se répète. Naspter «All Over». Après le disque… le billet!

Napster All Over. Plus ça change, plus c’est pareil. L’idée de vouloir «contrôler le Web» plutôt que de «travailler avec le Web» revient au feuilleton, comme un bon vieux reflux gastrique bien suri qui nous remonte en pleine gorge.

Il y a déjà plus de 10 ans, lorsque Napster est arrivé dans le décor de l’industrie de la musique, le réflexe des Associations de producteurs de disques (ADISQ, RIAA, CRIA) a été de faire fermer ce nouveau type d’offre de musique. Pire encore, du côté du Québec, nos producteurs d’albums ont volontairement choisi de ne pas rendre leurs musiques disponibles sur des boutiques de vente en ligne. En 1998, Eworldmusic.com voyait le jour; elle fermait ses portes en 2003, faute de pouvoir offrir les grands artistes d’ici et d’atteindre la rentabilité.

Or, cette attitude de notre industrie a laissé sur le Web un trou béant, une absence troublante d’offre de musique numérique québécoise. Les boutiques en ligne du Québec (Zik.ca, Puretracks, Bluetracks, etc…) n’offraient à cette époque que très peu de contenus suscitant l’attention des masses.

Par la suite, iTune Music Store est arrivé au Québec (en 2004, si ma mémoire est bonne) avec une offre de contenus provenant presque exclusivement des Majors. Résultat : l’offre légale en ligne au Québec proposait uniquement  des chansons «blocbusters» américaines, anglaises et françaises (de France). Puis, comme la nature a horreur du vide, nos producteurs d’ici se sont «déniaisés» et on finalement décidé de rendre leurs contenus québécois disponibles en ligne, là où le trafic Web se trouvait désormais : sur iTunes Music Store! C’est bien tout ça… mais reste que, faute d’avoir embrassé le Web à temps, faute d’avoir choisi de travailler avec nos boutiques de ventes en ligne d’ici : 1) Ces dernières n’ont jamais pu «lever» puisque, sans contenus intéressants et complets, elles ont vu leur propre trafic les déserter au profit d’iTunes; 2) Une part de 20 à 30% des revenus de vente de notre contenu d’ici se retrouve depuis à Sillicon Valley, en Californie. Bravo les amis…

En quoi l’histoire se répète?

La loi 25 sur la revente de billets vient d’être adoptée.

Même principe. Napster All Over. Plus ça change, plus c’est pareil. L’idée de vouloir «contrôler le Web» plutôt que de «travailler avec le Web» revient au feuilleton, comme un bon vieux reflux gastrique bien suri qui nous remonte en pleine gorge.

L’initiative de l’ADISQ et du Ministre Jean-Marc Fournier est bien louable… quoique un peu naïve, voire populiste. Surtout, elle relate à quel point nos nouveaux superhéros-sauveurs-de-la-pauvre-population-sans-défense sont déconnectés de la réalité du Web. D’abord, et j’en ai longuement parlé dans l’article «Légifération de la revente de billets : un plaster sur le bobo?», à la place d’une loi pour contrôler l’incontrôlable, nous aurions plutôt besoin de débloquer des prêts et bourses!! Et pourquoi donc? Pour renvoyer nos billetteries sur les bancs d’écoles et apprendre à mieux utiliser le Web afin de reléguer les revendeurs en 2ième page des résultats de recherche sur Google. Ensuite, j’en ai aussi aisément fait mention dans l’article «30 millions $ pour un service médiocre…» : l’ADISQ doit s’attaquer à l’immense problème du quasi-monopole du très gourmand TicketMaster au Québec.

Fermer Napster n’a rien changé; plus que jamais la musique transige de personne à personne. En 2009, l’IFPI annonçait que 95% de la musique numérique consommée sur la planète aurait été d’origine illégale. Même en ordonnant à la plus grande discothèque mondiale de musique de fermer son serveur, nous n’avons pas pu empêché les autres P2P et Torrents de venir au monde; en fermer un, c’est créer une place pour 100 autres. La nature a horreur du vide, dois-je le répéter.

Or, en empêchant nos «revendeurs» de billets officiels d’ici d’opérer, ceux qui créent de l’emploi, qui perçoivent des taxes, qui payent des impôts et assurent un service de qualité, on envoie nos consommateurs directement vers un marché noir sans foi ni loi, abandonnés aux aléas de l’offre et de la demande la plus sauvage. Pire, on laisse toute la place aux Russes et aux Chinois pour agir, intouchables. Désolé, mais l’Office de la protection du consommateur du Québec (qui, avant la naissance du projet de loi 25, n’avait reçu de plainte d’aucun consommateur concernant la revente de billets…) n’a pas les moyens de poursuivre en justice internationale tous les revendeurs de la planète à qui on ouvre la porte de notre marché (désormais noir) de la revente de billets à profit.

À défaut de vouloir se servir de la force du Web, l’ADISQ tente de contrôler le Web. À défaut de vouloir régler le problème à sa source, l’ADISQ choisit de mettre un beau ti-plaster sur le bobo, bien mis en valeur au Gala de l’ADISQ, pour donner l’impression au peuple qu’on «s’occupe des vraies affaires». Plutôt que de faire face aux vrais problèmes, on se paye une belle mascarade démagogique.

L’avenir démontrera bien que cette loi, populiste et naïve, sera inapplicable et que, entre-temps, à défaut de s’attaquer aux vraies affaires, notre business de la vente et de la revente de billets s’enfuira de plus en plus vers l’étranger… comme on a laissé près de 30% de nos revenus de vente en ligne partir vers les États-Unis.

4 commentaires sur “Revente de billets : Napster 2.0

  1. oh làlà! Quel bordel! C’est bien certain que pendant que les gens de bonne foi et honnêtes regardent tous gracieusement dans la même direction, les autres en profitent pendant qu’ils ont le dos tournés pour vider le garde-manger, le cabanon et le cinéma maison…As-tu écris directement au ministre? Est-ce que les personne influentes lisent tes infos? Où bien si on fait juste du verbiage très pertinent mais qui ne frappe pas les bons tympans?

    Enwoye mon Guillaume! Frappe…les bons tympans!

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  2. Mes félicitations pour votre Album qui a reçu un Félix. Preuve qu’en plus que votre musique soit vraiment bonne, votre marketing fonctionne très bien.

    Pour le contrôle du web, on en a pour environ encore 5 à 15 ans où les gens qui prennent des décisions concernant internet, ne connaissent pas internet.
    Je me rappellerai toujours lorsque Napster gratuit avant été anéanti et que les gens parlaient du mp4 où il y aurait une signature dessus et que ce ne serait plus possible d’avoir de la musique gratuite; et que le format mp3 disparaîtrait.
    Je disais à tout le monde : « pourquoi les gens iraient vers le mp4 ou un autre format alors que le mp3 fonctionne très bien, que c’est gratuit et que ce n’est pas contrôlé? »
    On a toujours les mp3, et toujours de la musique gratuite.

    Bref, continuez! L’avenir démontrera la vérité.

    Martin L

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  3. Vente de billets :
    Donc le taux d’efficacité pour les revendeurs est doublé. D’un côté ils ont l’incompétence des billetteries officielles et de l’autre des consommateurs qui ne sont pas au faîte des *recherches à effectuer sur le web pour acheter des billets à prix réels (Quand ils ne sont pas tous fauchés par les revendeurs). *Attention, j’entends déjà les murmures, parce qu’à titre de consommateurs nous nous devons toujours d’être avertis 🙂 Il y a ceux qui se font berner en achetant une voiture, une maison…puis nous sommes plusieurs à se faire avoir sur le web. On ne peut pas tout savoir vous me direz, mais il va de soit de s’informer. Si malgré tout il y avait tragédie, elle serait confortée par un minimum d’efforts au préalable, et l’ajout d’une note à notre carnet d’expériences de vie. Mais ça c’est souvent complexe pour le commun des mortels 🙂

    Achat en ligne :
    Le consommateur semble se plaire avec une bonne tape dans le dos à pirater la musique des artistes faute d’avoir de l’argent pour l’acheter à…0.99$ l’unité…en un seul petit clic…Oh c’est vrai! Ils n’ont pas d’argent parce qu’ils passent leurs paies sur des billets achetés à prix ridiculement gonflés par la dite  »Demande » artificiellement créée par les revendeurs. Sarcasme?!? Nonnnnn… 🙂 L’achat de la musique est dorénavant un choix pour le consommateur  »super averti », mais le producteur lui n’a pas le choix de payer les artistes et artisants pour rendre le produit à ces fameux consommateurs. J’dis ça de même. On jase là!

    Je salue bien haut ta démarche Guillaume, malgré mon petit côté un peu  »poche que les gens pensent que l’on puisent nos argents dans le cul des poules pour produire les artistes ».
    Je fais tout ça avec coeur et beaucoup d’amour (Ce n’est pas un sarcasme) (J’vous l’jure!), mais permettez-moi de trouver ça poche. Enfin…Bravo Guillaume.

    Projet de loi patente…
    Pour ce qui est du projet de loi, c’est la spécialité de nos sociétés modernes. La façon brillante et rapide de solutionner un problème lorsqu’il se présente sans avoir à y réfléchir. En fait on s’impose un nouveau problème…Il faut bien la rédiger s’te cauli…de loi! C’est à ce moment précis que les vrais problèmes débutent 😉

    Normand

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  4. @Sandra: Heureusement, il y a l’avocat Julius Grey qui tient la même position. Le seul hic est qu’il est intéressé dans cette histoire, puisqu’il représente un consortium de revendeur de billets. Son discours n’en est pas moins vrai.
    http://www.cyberpresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/201109/13/01-4447278-revente-de-billets-un-projet-de-loi-retrograde-dit-julius-gray.php

    @Guillaume: Merci beaucoup pour ce billet! Les organismes québécois et canadiens ont effectivement beaucoup de lessons à apprendre concernant le web.

    La difficulté majeure est d’admettre son impuissance face au web. On ne contrôle pas Internet simplement en adoptant une loi. Le marché est aussi, sinon plus, puissant que la loi sur Internet lorsqu’il s’agit d’influencer le comportement. Pour légiférer sur Internet, il est généralement plus productif d’octroyer un avantage à celui qui adopte un comportement favorable. On encourage ainsi l’entreprise locale et on obtient le résultat voulu. Si le « fléau » auquel on désire s’attaquer est le manque d’accès des individus à de bons billets au prix régulier, il suffit d’envisager un avantage fiscal pour la salle qui s’assure de vendre x% de ses billets, en priorité, à des individus. Cela aura un effet bénéfique pour l’entreprise locale qui désire exploiter ce marché. À l’inverse, on peut imaginer une taxe de vente supplémentaire pour les transactions de blocs de plus de 5 billets (par exemple). Cette taxe peut ensuite servir à soutenir la promotion des arts.

    Cet exercice de cogitation a aussi pour effet de nous confronter à la réalité, car on doit obtenir les vrais chiffres afin d’optimiser l’avantage ou la taxe qui en découle.
    Cela dit, il est beaucoup plus facile de se baser sur des perceptions et d’interdire une pratique qui nous apparaît inacceptable. Il convient enfin d’ajouter que d’interdire une pratique requiert une surveillance et des mesures disciplinaires, ce qui impose la mise en place de ressources destinées à « policer » l’application de la loi. Cela coûte généralement très cher.

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